1、elle avait deux petits ruisseaux qui lui coulaient sur les joues. Mais quand elle leva les yeux pour implorer le ciel dans sa dtresse, elle vit devant elle une dame qui lui demanda :- Deuxyeux, pourquoi pleures-tu ?- Comment pourrais-je ne pas pleurer ? lui rpondit Deuxyeux. Sous prtexte que jai deu
2、x yeux comme tout le monde, mes deux surs et ma mre ne peuvent pas me souffrir et me font toutes les misres ; elles me chassent de partout, mhabillent de loques et ne me donnent pas assez manger : je nai jamais que leurs restes, et aujourdhui il y avait si peu que la faim me tenaille sans cesse.- Al
3、lons, sche tes larmes, Deuxyeux ! lui dit la fe, et coute moi-bien. Tu ne connatras plus jamais la faim. Tu nas qu dire :Mh la Biquette,Petite table prte !et tu auras devant toi la table mise proprement, avec la nappe blanche et le couvert, et les plats finement servis, dont tu pourras manger autant
4、 que ton envie. Et aprs, lorsque tu te seras bien rgale et que tu nen auras plus besoin, tu diras :Petite table arrte!et aussitt elle aura disparu sous tes yeux.Ces paroles dites, la fe tait partie. Alors Deuxyeux se dit quelle allait essayer tout de suite si ctait bien vrai, puisquelle avait si gra
5、ndfaimMais oui, presque en mme temps que les paroles, la petite table se trouvait l avec sa nappe blanche, lassiette, le couteau, la fourchette et une cuillre dargent ; et les plats succulents et fumants attendaient devant elle et sentaient bon : on et dit quils arrivaient tout droit de la cuisine.
6、Mon Dieu, soyez notre hte en tous les temps! Amen. Telle tait la prire que Deuxyeux stait empresse de dire, parce que ctait la plus courte quelle savait. Puis elle se servit et se rgala de tout son cur. Aprs, quand elle eut bien mang de tout et se sentit compltement satisfaite, elle dit ce que la fe
7、 lui avait enseign :La table, avec tout ce quil y avait dessus, svanouit et disparut linstant mme. Le service est fameux! se dit Deuxyeux, tout heureuse et rassre. Et le soir, quand elle rentra avec la chvre et trouva son cuelle de terre avec les restes que lui avaient laisss ses surs, elle ny touch
8、a point, pas plus quelle ne toucha aux rares bribes qui lui taient destines, le lendemain, quand elle repartit avec la chvre. Une fois, deux fois, cela passa, et les surs ne sen aperurent mme pas. Mais comme la chose se rptait sans cesse, elles sen firent la remarque: II y a quelque chose de louche
9、l-dessous: Deuxyeux ne touche plus rien, alors quelle a toujours dvor ce quon lui laissait jusqu maintenant. Elle doit avoir trouv quelque chose. Et pour mettre le doigt dessus et dcouvrir la vrit, Unil, la sur ae, dcida de laccompagner le lendemain, quand elle irait garder la chvre, afin de voir si
10、 quelquun lui donnait manger ou boire.- Je vais avec toi aujourdhui, Deuxyeux ! lui dit Unil au moment quelle allait partir. Il faut que je voie si tu gardes convenablement notre chvre et si tu la mnes vraiment aux meilleurs endroits.Deuxyeux, qui ne fut pas dupe et se douta bien de ses vraies raiso
11、ns, mena la chvre dans lherbe haute, mais beaucoup plus loin quo elle allait dhabitude. Arrive l, elle appela sa sur et lui dit :- Viens, Unil, nous allons nous asseoir ensemble et je vais te chanter quelque chose.Fatigue par cette longue promenade et par la chaleur dun soleil dont elle navait pas n
12、on plus lhabitude, laec, tandis que Deuxyeux lui chantait sans cesse sur le mme air :Unil, ma sur, ne dors-tu pas?Unil, ma sur, dors-tu dj?Finalement, Unil ferma son oeil unique et sendormit vraiment. Ds que Deuxyeux en fut bien sre et la vit endormie assez profondment pour ne pouvoir pas la surpren
13、dre, elle se hta de dire sa petite chanson :Pour sasseoir bien vite sa petite table, manger et boire son avant que de chanter de nouveau :Aprs que tout eut disparu, Deuxyeux rveilla sa sur et dit: Unil, au lieu de garder, voil que tu tendors; et pendant ce temps, la chvre pouvait courir nimporte o!
14、Viens, nous allons rentrer. Lorsquelles furent revenues la maison, Deuxyeux ne toucha pas aux malheureux petits morceaux quon avait mis dans son cuelle, mais Unil fut bien incapable de dire sa mre pourquoi elle ne mangeait pas. Je me suis endormie l-bas! avoua-t-elle pour sen excuser.Le lendemain, l
15、a mre dit Troisyeux : Cest toi qui iras aujourdhui avec elle; mais fais attention et surveille-la bien, car si Deuxyeux mange l-bas, ou si quelquun lui apporte manger et boire, cela doit se faire en cachette. Alors Troisyeux alla rejoindre Deuxyeux et lui dit quelle voulait venir avec elle garder la
16、 chvre et voir si elle le faisait bien. Deuxyeux ne fut pas dupe et comprit parfaitement ce quelle avait dans lide; aussi mena-t-elle la chvre assez loin dans les hautes herbes, puis elle invita sa sur sasseoir ct delle en lui proposant de chanter un peu pour la distraire. Troisyeux stendit dans lhe
17、rbe, d fatigue par le long chemin et un peu tourdie par la chaleur du soleil; alors Deuxyeux reprit son intention sa petite chanson de la veille. Mais par inattention, elle commena comme la veille et chanta sans sen apercevoiravant de reprendre correctement :Troisyeux, ma sur, dors-tu d ?Et quand la
18、 petite berceuse accomplit son oeuvre, Troisyeux sendormit en effet, mais seulement avec ses deux yeux son troisime il, lui, ne stait pas endormi, ayant chapp au charme; et si elle le ferma, ce fut par ruse et seulement pour pouvoir guetter sous ses cils et surprendre tout ce quil y aurait surprendr
19、e. Aussi lorsque Deuxyeux, la croyant profondment endormie aprs sa petite chanson, mangea et but son content, puis chanta lautre petite chanson, le troisime il de Troisyeux vit-il tout! Deuxyeux vint alors rveiller sa sur et lui dit, comme autre: Tu dormais, Troisyeux. Tu ne vaux rien pour garder. V
20、iens, nous rentrons prsent. Et elles rentrrent; mais quand elles furent la maison. Deuxyeux ne toucha pas cuelle et Troisyeux dit leur mre :- Je sais sent pourquoi cette orgueilleuse ne veut rien de ce quon lui donne. Une fois l-bas, elle dit la chvre : la Biquette, et elle a devant elle une petite
21、table couverte des meilleurs plats, bien meilleurs que ceux que nous mangeons, nous! Son repas termin, elle dit encore :Et alors tout sen va. Jai tout vu clairement et nettement, parce quavec une petite chanson elle mavait endormi deux yeux, mais le troisime tait rest ouvert.Ctait plus quil nen fall
22、ait pour exciter la jalousie furieuse de la mre.- Mademoiselle a des prtentions, hein ?cria-t-elle en sen prenant Deuxyeux. Mademoiselle veut jouir dune meilleure existence que la ntre, hein ? Eh bien ! cest un plaisir dont tu vas te priver !Empoignant un couteau, elle courut vre et lui enfona le co
23、uteau dans le cur. En voyant sa chvre morte, Deuxyeux se prcipita hors de la maison et sen alla pleurer amrement, assise dans lherbe du premier pr. Soudain, la fe se trouva de nouveau devant elle et lui demanda :- Pourquoi pleures-tu, Deuxyeux ? rpondit Deuxyeux. La chvre qui dressait si joliment la
24、 petite table pour moi quand je lui chantais votre petite chanson, hlas! elle est morte sent et cest ma mre qui la gorge! La faim et les misres sont revenues pour moi.- coute-moi bien, Deuxyeux, je vais te donner le bon conseil, lui dit la bonne fe: tu demanderas tes deux surs quelles te laissent le
25、s boyaux de ta chvre, et tu les enfouiras sous terre devant la porte de la maison. Avec cela, ton bonheur est assur.e avait disparu, et Deuxyeux revint la maison pour demander ses surs : Mes chres surs, sil vous plat, laissez-moi avoir quelque chose de ma pauvre ch je ne demande rien de bon, seuleme
26、nt les boyaux! cette modeste requte les fit clater de rire, et elles lui rpondirent : Si cest ton seul dsir, cela peut se faire! Deuxyeux prit les boyaux, quelle enterra en cachette, le soir venu, sans faire de bruit, devant la porte de la maison. Ainsi, elle avait fait comme le lui avait dit la fe.Le lendemain matin, la maisonne se rveilla et se leva en mme temps, et quand elles allrent la porte, quelle ne fut pas leur surprise dy voir un ar
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